Extrait du texte lu dans la voix off du film "In girum imus nocte et consumimur igni" de Guy Ernest Debord (1978) :
Je ne ferai dans ce film aucune concession au public.
Plusieurs excellentes raisons justifient, à mes yeux, une telle conduite ; et je vais les dire.
Tout d’abord, il est assez notoire que je n’ai nulle part fait de concessions aux idées dominantes de mon époque, ni à aucun des pouvoirs existants.
Par ailleurs, quelle que soit l’époque, rien d’important ne s’est communiqué en ménageant un public, fût-il composé des contemporains de Périclès ; et, dans le miroir glacé de l’écran, les spectateurs ne voient présentement rien qui évoque les citoyens respectables d’une démocratie.
Voilà bien l’essentiel : ce public si parfaitement privé de liberté, et qui a tout supporté, mérite moins que tout autre d’être ménagé. Les manipulateurs de la publicité, avec le cynisme traditionnel de ceux qui savent que les gens sont portés à justifier les affronts dont ils ne se vengent pas, lui annoncent aujourd’hui tranquillement que « quand on aime la vie, on va au cinéma ». Mais cette vie et ce cinéma sont également peu de choses ; et c’est par là qu’ils sont effectivement échangeables avec indifférence.