"Naviguez-vous pour un négoce, ou à l’aventure, comme des pirates qui vagabondent sur la mer, exposant leur vie et portant les calamités aux autres hommes ?". [1]
Piratage : une "condition inhérente à l’état social"
On a coutume de dire que la navigation commerciale est née avec la civilisation égyptienne (4000 ans avant notre ère), que la piraterie lui est contemporaine et considérée comme une "condition inhérente à l’état social".
La distinction entre le marchand, le guerrier sur mer et le pirate était alors très ambiguë et mouvante.
Sachant qu’il serait attaqué au cours de son périple, tout marchand s’armait pour se défendre. Dès lors, la tentation d’attaquer devenait presque naturelle. Le pirate était guerrier pour s’emparer du navire et de sa cargaison, mais, et on l’oublie trop souvent, tout pirate avait besoin d’une base pour réparer son navire, se réapprovisionner, vendre sa cargaison illicite et éventuellement acquérir des informations pour une prochaine attaque. Il se faisait donc marchand et l’acheteur devenait alors son complice, qu’il soit lui-même prince ou marchand.
Souvent appelé à la rescousse par un prince ou un État, le pirate pouvait devenir un guerrier régulier et son action recouvrait temporairement une légalité.
Moyen Age et christianisme
Le Moyen Age et le christianisme vont briser "l’évolution naturelle de la tendance piratique" en marginalisant et condamnant les pirates à l’anathème. Cette moralisation trouve ses sources dans les grandes invasions et la répudiation des barbares auxquels on attribue tous les maux de l’Occident. Le développement des échanges marchands va donner naissance au capitalisme comme système économique alors que Brigands, barbaresques et Pirates bien que pourchassés
Ouverture d’une voie commerciale vers Cipango
XV ème siècle. En 1492, Christophe Colomb, financé par la Couronne d’Espagne, souhaite ouvrir une nouvelle voie commerciale vers Cipango (Japon) en passant par l’Ouest. Il débarque dans la Caraïbe. À son retour, le pape Alexandre VI oblige les Espagnols et les Portugais, à signer le traité de Tordesillas13 qui partage le monde en deux. L’Ouest pour l’Espagne, l’Est pour le Portugal.
XVII ème siècle. Par l’intermédiaire de sociétés par actions - précurseurs des sociétés de capitaux modernes -, les riches négociants ont pu financer d’importantes expéditions qui ont abouti à ’exploration et à la mise en valeur de contrées lointaines. Cependant, le grand négoce est resté soumis pendant toute cette période au contrôle des gouvernements nationaux, qui souhaitaient, au nom de la doctrine mercantiliste, préserver d’abord la richesse de l’État. L’afflux de l’or et l’argent provenant des colonies provoque, en Occident, une inflation qui a, peu à peu, contribué à appauvrir la noblesse, dont le seul bien reste la terre.
Au XVIII ème siècle, les classes montantes de commerçants et d’industriels, bientôt appelées bourgeoisie, réclament un ordre politique nouveau qui réponde à leurs intérêts économiques.
XIX ème siècle et l’ndustrialisation de la production
Le XIX ème siècle est une période de croissance économique sans précédent..La révolution industrielle transforme la société en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne et dans l’Europe occidentale, enfin aux États-Unis. À la fin du siècle, l’essentiel de la population active travaille dans des usines ou des bureaux. Chaque fabrique s’agrandit pour atteindre un niveau de production lui permettant d’abaisser ses coûts unitaires. Les affaires commerciales les plus florissantes cherchent à diversifier leurs activités, rassemblant sous le contrôle d’une seule société l’exploitation de moulins, de manufactures et de lignes de chemin de fer, par exemple ; enfin, les grandes compagnies s’associent pour former des cartels ou des trusts, ce qui leur permet d’exercer un véritable monopole sur de larges secteurs de l’industrie. Syndicats et partis politiques se forment, défendant les intérêts du prolétariat face aux propriétaires des moyens de production.
Le XX ème siècle et l’avènement du tertiaire.
S’adaptant constamment au monde qu’il a contribué à façonner, le système capitaliste qui a mué du stade agraire au stade industriel de produits manufacturés a évolué vers une société de l’information. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le capitalisme devient "cognitif" : la valeur passe progressivement de la marchandise à l’information.
Suite à la révolution informatique, aux technologies de l’information et de la communication (TIC), toutes les informations numérisées peuvent être, pour des coûts marginaux pratiquement nuls, copiées, stockées, transportées, échangées. Les produits informationnels et culturels ne sont plus soumis à la rareté essentielle des supports (livres, disques, DVD) et deviennent ainsi "non rivaux" (au sens économique du terme) : chacun peut les consommer sans empêcher ni gêner leur consommation par d’autres, chacun peut les transmettre à un tiers sans en perdre la possession.
L’architecture d’Internet fait de chaque ordinateur un serveur potentiel : il n’y a pas, au plan technique, de différence entre producteur et consommateur. Cette organisation a permis le développement d’usages originaux, intermédiaires entre la diffusion de masse et la communication interpersonnelle. La mise en réseau constitue un "espace commun" informationnel, auquel chacun participe et qui permet l’innovation.
Ce "bien commun" de textes et d’images se prolonge aujourd’hui dans les réseaux "peer to peer" avec l’échange de fichiers musicaux, mais aussi avec une floraison d’usages socialement désirables dans la recherche, l’éducation, la santé, le débat démocratique.
Pour l’industrie culturelle, ce "partage" ressemble à celui que les pirates faisaient de leur butin : un vol.